
"J'ai un million de clics sur Youtube et je suis toujours à découvert !!" (qqun, à propos de la vie)
RIP le mal être existentiel de l'homme moderne inconsolable, broyé par la société capitaliste de production et de consommation, qui se lamente sur l'échec de l'affirmation de son Moi, sur l'inévitable et douloureuse fuite du bonheur vers un ailleurs, peut-être oriental, peut-être méditatif, peut-être christique, un ailleurs dissimulé sous la cape de la mort. Ci-gît le désarroi.
Ladys et Gentlemen, les années 2000 vous présentent... le 0% ! la légèreté ! le tout petit plaisir !
Voyez ? Plus de raison de faire une jaunisse depuis le haut débit et les réseaux sociaux responsables des révolutions (souvenez vous, en 1789, 1830, 1848, du rôle crucial de facebook et twitter dans les évènements qui changèrent le destin de notre pays !)
Observons : la tendance médiatique et artistique des années 90 était à la dissection des angoisses au Deroxat et des névroses au Lexomil, le suicide était un authentique concept-art.
Mais depuis le milieu des années 2000 des thèmes peu joyeux tels que le chômage, les mères célibataires, la cité d'en face, la presque déchéance financière, les carrément SDF et la maladie sont délicatement abordés dans le cinéma de telle sorte que le spectateur puisse sortir de la séance en se disant que le chômage, les mères célibataires... ce n'est pas si grave. Drôlerie et légèreté, affiche rose avec petits nuages blancs. Ces chômeurs si émouvants, si attachants !
Les individus semblent donc plus heureux, la faiblesse est devenue une force grâce à un mélange d'affirmation et de détachement. Le looser a sa forme de réussite : il lui suffit d'écrire "je suis un looser" sur son mur facebook pour que ses amis le gratifient d'un pouce en l'air "j'aime"... (notons que le vrai looser n'a pas de profil facebook...)
Je ne sais pas qui à réussi à nous vendre le vide en nous faisant croire, grâce au Net, que nous en étions seuls les auteurs et que le Moi n'était plus haïssable mais consommable, comment a t-on réussi à édulcorer le désarroi occidental afin de pouvoir le digérer facilement, comment les gens peuvent-ils croire que la légèreté qu'ils achètent (qui n'est pas l'humour) va les sauver et que le bonheur est un jardin bio, que ça ira mieux demain parce que j'arrête de pleurer bruyamment ?
Hommes de peu de joie ! Jamais de radicalité ni d'excès, dans le bonheur comme dans le malheur, les sentiments sont propres, lisses et sans odeurs, comme un écran brillant d'ordinateur, comme les corps, comme la pensée, légers, légers, mais d'une légèreté qui ne prend jamais de hauteur.