mardi 10 novembre 2009

Ex ducere

L’hôtel de ville est un chef d’œuvre de la période néo-classique du jour d’après. On peut remarquer sa bonne facture industrielle, notamment sur les côtés et entre les portes de la face Nord. On peut apercevoir, au creux des niches, les statues décoratives : ici Lucius Caïus qui rédigea les plans selon le caryotype d’Orange , et son neveu le Duc Saint Just de La Vega qui ordonna la construction par décret mental. Là et encore là, des chapiteaux corinthiens d’inspiration dogmatiques très chrétiennes, surmontant des fûts cannelés à l’origine palmyformes, mais rendus papyriformes pas suite d’une décision de justice qui dura près de trois ans. Beaucoup de Parisiens lettrés crièrent à l’injure fondamentale et manifestèrent dans un bain de sang républicain. Le Duc imposa le respect dans un discours présidentiel resté célèbre : « Vous ne savez pas ». Le drapeau français fut sorti et on pleura beaucoup pour le principe.
A l’arrière train on devine les vestiges post coloniaux d’un mastaba de la terre sainte. On suppose qu’il avait été ramené à la fin des croisades par le Chevalier Reynaud du Bourguemestre, afin de légitimer les prétentions du royaume de France à devenir la fille aînée de l’Eglise. Malheureusement, lorsque Dieu mourut, le mastaba tomba en désuétude et personne aujourd’hui n’y prête plus guère attention.
D’un point de vue industriel, l’Hôtel de ville est une réussite. Grâce aux nanotechnologies, on a pu réaliser un bâtiment de développement durable unique en son genre. Il représente le pouvoir politique en place et un certain idéal démocratique à forte valeur ajoutée. On peut d’ailleurs lire des inscriptions cunéiformes sur l’architrave principale au dessus de la Grande Porte : elles signifient « c'est pour la France, merci d'avance», comme d’évidence.
Depuis lors, cette maxime sert de jurisprudence.


samedi 31 octobre 2009

Comment l'esprit vient aux enfants

Métro ligne 3, arrêt Père Lachaise.

Un enfant : "Nous, on l'a pas perdu notre chaise !"

Merci d'être un enfant. C'est trop bon ça.

dimanche 25 octobre 2009

Le bon côté de la pauvreté

Paris est beau, belle, à tous les temps, à chaque regard surpris, sur tous les ponts.
Survivre à Paris avec moins de 750 euros par mois.

Se loger. Un loyer parisien payé, c'est un peu de désir d'aventure enterré. On découvre vite que le ballon d'eau chaude est trop petit, qu'on ne peut pas cuisiner à deux, que l'air est si humide que les vêtements ne sèchent pas et sentent le moisi, que toutes les prises électriques ne fonctionnent pas. Mais vous avez un toit sur la tête, c'est le bon côté.
Se nourrir. C'est très simple. A force de manger des pâtes vous n'aurez plus faim. Pratique et pas cher.
Se vêtir. Ne rien acheter, aller chez emmaüs pour faire face à l'hiver mais ne pas être trop difficile quant à votre allure. Vous ne sortez pas d'un clip de pop adolescente fluo, ni d'une publicité pour HM, mais bien du XX arrondissement.
Se divertir. Passer ses après midi à la BPI : c'est gratuit et dans la queue du ticket Internet vous verrez pleins de gens à peu près comme vous sauf que eux n'ont pas de ballon d'eau chaude du tout.
Vos horizons. Lutter contre le pole.emploi qui tente par des moyens peu subtils de vous radier, l'air de rien. Lutter contre la CAF qui avoue avoir traité votre dossier il y a un mois mais on n'en saura pas plus. Lutter pour savoir ce que vous avez fichu pour vous retrouver dans ce merdier.

Mais c'est encore le bon côté de la pauvreté. C'est un peu fatiguant mais on en meurt pas.

mardi 29 septembre 2009

Ce pénible instinct de survie

A ceux qui sentent la mort comme le clodo de la BPI.
Il est jeune, roux comme un écossais, il porte un anorak noir et un petit bonnet, un pantalon à peine trop court qui rejoint mal des chaussettes dégueulasses, et des bandages encore blanc, encore neufs, à ses poignets. Je lui donne 3 ou 4 mois. 28 ans et 3 ou 4 mois de naissance à la rue. Je me disais, quand je le voyais assis, qu’il devait être au chômage comme ceux de la médiathèque d’Evry, comme moi et eux qui se posaient dans des coins pour attendre la fermeture. Je me disais celui-là il n’a rien à faire de ses journées, il n’a peut-être plus rien. Il passe ses après midi à faire la queue pour le ticket Internet. Je ne m’étais pas rendue compte que le manteau qu’on ne quitte pas c’est un truc de clodo qui a toujours froid parce qu’il a toujours faim. Mais comme je faisais la queue pour le ticket, l’étudiant devant moi ne voulait pas bouger pour ne pas s’approcher de celui qui puait la mort. Je me disais pauvre con, respire par la bouche et ne fait pas ta chochotte. C’est ce que je faisais. Cette odeur de pourriture, je me demande si c’est la même que celle des morts. Ce jeune perdu dégoûtant avec ses poignets guéris devrait être mort mais il n’en porte que la sale odeur écœurante, une odeur de la vie tournée, moisie, blette, qui noue et serre les tripes fragiles de ceux qui craignent l’avenir. Je pensais qu’on était tous derrière la mort, qu’on attendait, qu’on piétinait et qu’on avançait derrière elle. Lui, le clodo qui s’est loupé n’a plus rien à craindre. Et que peut-il craindre quand il n’y a rien à attendre, quand des gens de bonne volonté lui ont cautérisé les plaies d’un suicide manqué et l’ont laissé à sa vie bloquée, déchue, ratée, anéantie ?
Je ne vois que ça à Paris, une foire des monstres à ciel ouvert. Je devrais parler de celui-ci qui, à quatre pattes, crachait par terre pour faire une composition salivaire sur l’asphalte, de la folle aux dents comme des pieux qui chantait dans une langue que même Dieu ne connaît pas, de celui qui demandait les filles en mariage dans le métro, et de tous les pauvres chaque jour, qui traversent la ville sans s’arrêter pour mourir parce que ce n’est jamais à eux de décider si ça vaut le coup. Et le clodo aux poignets guéris qui se grattent la tête en attendant de regarder la vie réussie sur Internet.

mardi 11 août 2009

In libro veritas

Qu'est donc que "le fond de vérité" ? Si on ne croit pas à la révélation, ordinairement on admet qu'il n'y a pas de vérité absolue. Les philosophes ont donc tous un peu raison parce que tout de même il y a un "fond de vérité"... Le fond de vérité, est ce que c'est comme le fond de veau ?

Passons en revue les livres mijotés au fond de vérité et qui donne à la vie le goût des choses vraies (et simples comme les knackis) :
- "Qu'est ce que le bonheur" et "L'art d'être heureux" certainement publié chez O. Jacob. Bien que présentant des similitudes dans la table des matières, ce sont bel et bien deux sujets différents mais très chargé en fond de vérité fadasse. Evidemment ils ne sont pas subversifs.
- "Apprenez à dire non", "Faites vous confiance", et "Réalisez vos désirs", même édition. Ces trois ouvrages auraient pu être condensés en un seul livre titré "La toute puissance" ou comment réaliser un massacre pour satisfaire votre énergie vitale malmenée par la société de compétition. Il y a bien là un fond de vérité.
- "Cuisinez pas cher". A piori es auteurs de ce genre de bouquin s'adressent à une catégorie qui n'a jamais eu à faire un régime pates-yaourt nature. Le meilleur moyen d'atteindre les 46 kilos mesdames : vous en rêviez, le chômage l'a fait. Le conseiller ANPE élu coach minceur de l'année. Mensonge donc ? Mais non car il reste le fond de vérité : utilise un verre d'eau en guise d'assiette pour y farcir des patates à l'huile d'olive ce n'est pas cher du tout...

Voici donc la liste non exhaustive mais représentative des best-sellers des grandes librairies. Ils sont inutiles, insipides, indolores mais ils se vendent parce qu'ils ont tous le fond de vérité.
C'est comme le fond de veau dans les pâtes du chômeur : ça donne indéniablement un bon goût mais enfin, ce ne sont toujours que des pâtes...

mercredi 17 juin 2009

think different, think like me

Faites comme tout le monde, soyez différents.

Pourquoi les gens vivent comme ils vivent et pourquoi font-ils ce qu'ils font, ce sont mes questions essentielles qui me poussent parfois à la lecture de journaux comme les inrocks ou pire, tecknikart. Dans le premier on nous montre comment il faut être, dans l'autre comment se moquer de ce que l'on est. Pour mieux expliquer c'est un peu comme voir sur un rayon d'une grande librairie deux livres qui parlent de la même chose sans le vouloir : "comment être heureux" et "arrêtons de vouloir être heureux à tout prix".
Dans les inrock on voit des gens figés dans une attitude très "je suis moi-même depuis l'avènement du 2.0". Les filles ont des franges dégradées et s'habillent de multiples couches de vêtements de supermarché avec en prime les vieux excarpins suspects trouvés dans le fond d'une friperie malodorante. Elle se tiennent un peu penchée, un pied rentré vers l'intérieur dans une attitude pute de poche anorexique cocaïnée qui se fait défoncer l'entre jambe le samedi soir sans que les parents ne se doutent de rien. C'est l'adolescence, ce n'est pas grave, suffit de vieillir et puis à 28 ans elle se mariera, aura enfin un CDI et fera des enfants, et on tous sera au courant gâce à facebook. Mais ce n'est pas l'important. L'important c'est que les journalistes aiment ça parce que c'est "irrévérencieux", "politiquement incorrect", "déjanté", "qui met le doigt sur les tendances destroys de la société". Et puis surtout cela montre que les jeunes ont quelque chose à dire.
Que peut-on montrer de plus ? Que peut-on faire d'autre que de faire puis de dénoncer ce que l'on fait ? Où peut-on aller à force de faire de nos défauts et de notre soi disant "vide intérieur" de la culture branchée ?
Etre soi-même c'est être tendance et être tendance c'est être mal habillé. En fait tout se résume à cela.

Il y en a des pareils à Châtelet. Des gens habillés pour dire tout ce qu'ils sont, qu'ils aiment la liberté d'expression et l'art contemporain. Tout va bien pour moi, je n'ose même pas porter un chapeau de peur qu'on me remarque. Je ne suis pas, mais je pense.

samedi 23 mai 2009

they fed us on little white lies

Je vais dire je et parler de moi. Pour le côté "je m'aime quand j'y arrive enfin, à poster sur mon blog".

Les gens connaissent des débordements d'humeurs qu'on croit être les seuls à vivre dans le repli de nos angoisses. Les gens sont des missionnaires du développement personnel, des tueurs de temps morts, d'héroiques survivants puisque le courage, ici et maintenant, semble être de se lever tous les matins en marmonnant "vivement c'soir". Le temps passe en me trahissant parfois quand il va trop lentement, la télé me divertit en me trahissant souvent, et l'unique intérêt de la vie doit résider dans le fait de prendre proprement ces repas. Quand je désire ce pot de pâté je me dis que la vie est simple et bien faite. J'ai du mal à m'indigner et très franchement le sort du monde m'a complètement échappé. J'ai vieilli, je m'en sens un peu coupable. Drôle de petit moment où il faut retrouver ses véhémences post-adolesentes, quand on tente de se repleupler de ses excès, qu'on désire tout ou rien. Drôle de petit moment quand on ne sait si ce sont les dernieres décharges de rêves, les derniers coups de pression avant de trouver que les jeunes sont définitivement stupides et que les vraies valeurs de la vie ne sont que ça : "mange tes légumes et ferme ta gueule".

Je connais pas mal de gens qui ont trouvé leur place mais maintenant, qu'est ce qu'ils zon mal au cul.

jeudi 1 janvier 2009

les proses de l'ennui

To be
Quelqu’un d’autre. Comme ceux qui boivent trop la nuit et qui ont conscience de leur ivresse revendiquée comme un savoir vivre. J’espérais rejouer les moments où il fallait parler, et que tout était presque accompli dans la recherche de l’autre. Quand on s’étonne de si bien comprendre, qu’on a l’impression que la vie calcule cela pour nous et que les résultats concordent enfin. Quand cela avait la pureté des espoirs et des accomplissements, l’innocence de l’attente pour ne rien brusquer et que le temps fasse accorder tous nos rythmes discrets, nos pulsations quotidiennes, ce qui n’appartient qu’à nous et qui trouve parfois l’écho attendu. C’est ce que j’ai appelé amour et nous avons des amours différents.

Don’t make me fall.

Elle le regarde en coin, le coin du monde où elle se trouve est balayé de son regard. Il finira par se lever, il rabat le coin de sa veste. Un coin, c’est là que s’assoient les gens qui savent quoi faire sans savoir quoi faire. On s’assoit dans un coin ? ils demandent. Ok ! ils répondent. La beauté du coin tient souvent au fait que ce soit le même coin. Et la plupart des gens se retrouvent dans ce genre de coin. Le coin le plus joli. Sinon il y a les coins où personne ne va : il faut dire les coins à vieux, les coins qui donnent envie de partir. Mais là, en réalité, ce n’était pas vraiment un coin. C’était le pont. Le pont est un genre de coin si on veut, mais assez exclusivement réservé à une imagerie cinématographique. Et ce pont là, c’était le bon : le pont des arts, le pont des étudiants. Et lui il avait un appareil photo. Sur le pont des arts. Il avait même poussé son rôle jusqu’à enfiler deux chaussettes de couleur différente, une bleue et une verte. L’originalité, le non conformisme peut-être, la revendication d’une personnalité distraite qui ne fait pas bien les choses. Mais enfin, ce n’étaient que des chaussettes ! C’est ce qu’elle se disait avec son regard. Alors il s’est levé, il a mis sa veste, pris son appareil et sa besace et il n’est pas allée vers la rue Bonaparte. Il est allé à l’envers de tout, a tourné vers Châtelet et elle n’a pas eu envie de le suivre.